Pérégrination médiatique d’un Drone entre la Tunisie et l’Algérie.

« Echorouk dans une base militaire américaine sur la frontière tuniso-algérienne » et « Les U.S. Marines aux portes de l’Algérie« , tels sont les titres accrocheurs d’un article d’il y a quelques jours du quotidien algérien Echorouk. Bien évidemment, aucun envoyé spécial de ce journal n’a mis les pieds dans une base qui n’existe d’ailleurs pas. Et comme d’habitude, le texte du journal populiste joue sur une posture ultranationaliste usée et usante : l’Algérie est la cible de la présence militaire américaine en Tunisie.  Rien de moins! Une attitude risible à plus d’un titre comme le verra le lecteur à la fin de ce article.

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En fait, l’unique intérêt de l’article d’Echorouk réside dans les photos publiées. Des photos que le journal n’a pas commenté sur le plan technique. Il n’a d’ailleurs pas identifié les équipements observés. Après enquête, le blog 7our va vous donner quelques révélations exclusives au sujet de ce Drone.

Au centre de l’image ci-dessus, on identifie la rampe de lancement du drone tactique d’observation ScanEagle. Le véhicule aérien y est disposé. L’installation est entourée de militaires et d’un prestataire occidental qui procède à des branchements.

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Sur cette deuxième image, un capitaine de la marine tunisienne s’active sur le drone lui même. L’acquisition par la Tunisie du Drone de la filliale Insitu de Boeing n’est plus un secret depuis que cela avait été révélée par le Colonel James Rector, chef de la division des petits drones tactiques à l’US Navy. C’était au cours d’une présentation Powerpoint dans une conférence internationale. Ainsi que le mentionnait en février 2012 le site BreakingDefense, dont voici un extrait en anglais:

« Navy leaders are considering foreign military sales of the Scan Eagle to Kuwait, Pakistan and the Netherlands, according to a presentation by Marine Corps Col. James Rector, head of the small tactical unmanned aerial systems division at Naval Air Systems Command. Aside from the U.S. Navy, the Scan Eagle is being flown by naval forces in Colombia, Tunisia, Poland and Iraq, according to PowerPoint slides from Rector’s speech at the Association for Unmanned Vehicle Systems International’s annual program review in Washington yesterday. »

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Les photos diffusées par Echorouk montrent une installation terrestre qui semble récente. Il pourrait même s’agir d’un point d’appui à proximité des monts Châambi où des maquis terroristes ont pris racine. L’image ci-contre est celle de la cabine de contrôle du drone. Le camion est immatriculé en Tunisie.

Les tenues et le contexte permettent de dire qu’il y avait quatre types d’intervenant: des militaires US, des prestataires civils de la société Insitu, des officiers de la marine tunisienne et des militaires de l’armée de terre tunisienne.

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Comme le montre cette image parmi d’autres, il s’agissait certainement d’une livraison « clés en mains » avec formation des opérateurs locaux sur site. Rien ne prouve une présence américaine durable comme l’affirme l’article d’Echorouk.

Qu’est ce que le Drone ScanEagle ? Il s’agit d’un petit drone tactique, robuste et de faible coût. A l’origine, il s’agissait d’un drone civil afin d’aider les pêcheurs à trouver des bancs de poisson. La version militarisée construite par Insitu une filliale de Boeing a été utilisée pour des missions d’observation en Irak et en Afghanistan. L’engin pèse 20 kg, a une envergure de 3,1 m par 1,4 m. Avec une vitesse de croisière qui peut atteindre 89 km, le ScanEagle a un rayon d’action d’environ 150 km. Le décollage se fait par un catapultage pneumatique. Et l’atterissage se fait par un hameçonnage de l’aile sur un cable vertical.

Ce qui fait du système ScanEagle un outil intéressant, c’est qu’il ne nécessite pas un terrain d’aviation pour son déploiement. En 2006, le système complet avec 4 drones, une station de contrôle, un terminal vidéo, la catapulte de lancement SuperWedge et le système de récupération Skyhook représentait un investissement modique de 3,2 millions $.

La vidéo suivante montre l’utilisation de cette technologie en Afghanistan. Un seul technicien suffit pour l’opération de catapultage!

visite US Sur le site tunisien, la phase d’hameçonnage a été photographiée en présence de militaires U.S (avec visiblement des tenues de l’Africom). Le prestataire en uniforme civil est le même que sur d’autre photos. Cela ressemble fort à une phase de tests en présence de gradés US. Etaient-ils là pour s’assurer de la conformité du transfert de savoir-faire à l’armée tunisienne ? Pour répondre à cette question, il faudrait connaitre le document source de ces photos. ce que Echorouk s’est bien abstenu de divulguer.

Mais ce n’est pas difficile à deviner. Il se trouve que l’armée algérienne avait exprimée son intérêt pour le Drone ScanEagle. Ces photos proviennent à coup sûr d’une communication transmise par la société Insitu ou par l’US Africom à des militaires algériens. C’est parmi ces derniers que se trouverait la source d’Echorouk. Les images ont été « empruntées » à un argumentaire militaro-commercial…

Alger achète pour des milliards de $ d’équipement. Tout un matériel de guerre qui s’accompagne de formations multiples sur le sol algérien. Des conseillers militaires occidentaux et surtout russes sont ainsi présents en Algérie. Mais ça un journal comme Echorouk ne va pas en parler. Dans l’ultranationalisme, y a ceux qui claironnent du creux et y a ceux qui en encaissent pour de vrai.

NB: Le mercredi 11 décembre 2013, un drone militaire s’était écrasé aux environs de la région de Sbeïtla dans le gouvernorat de Kasserine, au sud ouest de la Tunisie. Le porte-parole du ministère de la Défense, le colonel-major Taoufik Rahmouni,  avait déclaré qu’il n’y a pas eu de pertes à déplorer et que le drone serait vite réparé pour redevenir opérationnel. L’engin est utilisé dans la lutte antiterroriste dans les montagnes de Kasserine et les monts du Châambi. Nul doute pour l’auteur de ce blog. Il s’agit bien du ScanEagle qui apparaît sur les photos. Un drone robuste facile à réparer. Et un crash qui pourrait être du à une maîtrise encore insuffisante de la technologie de ce drone par ses opérateurs tunisiens.

Baki @7our Mansour

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